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Lettre de Gaza d’Hossam al Madhoun du 28 mai 2025

Juste des chiffres, 600 jours de génocide en cours

C'était un chiffre rond, c'est un peu comme s'il était temps de faire un bilan de santé. Nous sommes le 28 mai 2025 et cela fait 600 jours que la "guerre" bat son plein. Certains s'apprêtent à prendre la parole, la main sur le cœur, la tête haute et la voix grave. Imprégnés de patriotisme et de foi, ils allaient se féliciter du chemin parcouru en 19 mois et fixer le cap de ce qu'il restait à accomplir pour faire triompher la civilisation sur les ténèbres.

En 600 jours, la mission civilisatrice a déjà fait pleuvoir 70 000 à 80 000 tonnes de bombes sur l'enclave de la bande de Gaza (y compris grâce aux États-Unis qui ont déjà fourni 90 000 tonnes d'armes et d'équipements militaires livrés via 800 cargos aériens et 140 bateaux), soit à peu près l'équivalent de ce qui avait été largué sur Berlin entre 1940 et 1945, ou cinq fois la puissance de la bombe d'Hiroshima :

- Plus de 54 000 habitants de Gaza ont été tués, et ce chiffre s'élèverait à 186 000 si l'on incluait les morts indirectes (famine, maladie, manque de soins médicaux). 15 à 20 % des victimes étaient des combattants, contre 80 à 85 % de civils, dont environ 40 % d'enfants, 30 % de femmes, 20 % d'hommes adultes, 8 % de personnes âgées. 3000 fonctionnaires ont perdu la vie (enseignants, agents administratifs, travailleurs de la santé, employés municipaux...) et au moins 180 journalistes - ce qui, en termes de pertes humaines dans la profession, dépasse tous les conflits depuis le début du 21e siècle.

- Environ 10 000 habitants de Gaza sont présumés enterrés sous les décombres.

- Plus de 123 000 habitants de Gaza ont été blessés ou mutilés, dont plus de 11 000 enfants.

- Environ 1,9 million de Gazaouis ont été déplacés à l'intérieur de la bande de Gaza, parfois plusieurs fois, soit 82,6 % de la population.

- Environ 1,2 million d'entre eux vivaient sous des tentes ou dans des abris, dans des conditions sanitaires très précaires.

- Environ 450 000 enfants n'étaient pas scolarisés et 90 000 étudiants étaient privés d'accès à l'enseignement supérieur.

- 407 soldats israéliens ont été tués au combat et au moins 100 se sont suicidés.

- Tout cela sans compter les bombes à retardement que constituent les 5000 à 10 000 engins qui n'ont pas encore explosé (munitions non détonées, bombes à fragmentation, mines, obus), les 50 millions de tonnes de graviers et les 350 000 tonnes de déchets déjà laissés sur place.

En 600 jours, Gaza a perdu

- 100 % de ses universités

- 95,4% de ses terres et infrastructures agricoles (puits, serres, champs...) et plusieurs centaines de milliers de têtes de bétail tuées (bovins, ovins, volailles, etc... sans compter les ânes, chiens, chats ou oiseaux qui ont eu le malheur de s'envoler du mauvais côté du mur).

- 95% de ses écoles

- 94% de ses hôpitaux

- 90 % de ses immeubles résidentiels

- 90 % de ses infrastructures portuaires

- 70 à 80 % de ses sites de production, dont 80 % des installations énergétiques et 70 % des usines agro-alimentaires

- 70% de ses bâtiments publics (mairies, bureaux administratifs)

- 65% à 75% de ses lieux culturels (centres culturels, musées, bibliothèques, théâtres...)

- 60% à 70% de ses lieux de culte (mosquées, églises)

- 50% à 60% de ses sites patrimoniaux (historiques, archéologiques...)

- 50 % à 60 % des routes et des ponts

- un nombre indéfini de cimetières, boulangeries, magasins, etc.

Tout cela en 600 jours ! Les stratèges ont donc sorti leurs calculs : statistiquement, ils n'avaient besoin que de 200 petits jours pour achever la "stérilisation" totale de Gaza. Et comme ils allaient pouvoir mettre les gaz pendant les vacances d'été, ils avaient de bonnes chances de finir le travail avant que les Occidentaux ne sortent leurs pépinières et leurs sapins de Noël, et au moins avant que d'éventuelles pressions internationales ne voient le jour (on ne sait jamais) : la veille, un ministre belge s'exprimant "en son nom personnel" avait évoqué le terme honni de "génocide", tandis que l'Allemagne avait pour la première fois timidement haussé le ton...).

A ce moment-là, il ne reste plus qu'à régler la question de l'exil "volontaire" des survivants... et à régler le sort de la Cisjordanie, évidemment. Mais là aussi, les opérations ont beaucoup progressé depuis 600 jours :

- Plus de 7000 Palestiniens ont été blessés et près de 900 tués par la violence israélienne (militaires ou colons).

- Plus de 5 000 Palestiniens ont été arrêtés et environ 65 sont morts en détention.

- Plusieurs villages ont été attaqués "spontanément" par les colons et leurs habitants ont dû fuir.

- Plusieurs camps de réfugiés palestiniens ont été partiellement détruits par l'armée israélienne.

Sources: UNICEF, UNESCO, World Health Organization, United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, United Nations Agency for Palestine Refugees, Food and Agriculture Organization,UN, United Nations Clearing Programme, Doctors Without Borders, Amnesty International, Committee on Humanitarian Affairs journalists protection, Gaza Ministry of Health, Palestinian Environment Authority, Euro-Mediterranean Observatory of Human Rights, The Lancet, The World, BBC, Haaretz.